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Mesdames,
Messieurs de la presse,
Chers amis du CLEA et sympathisants
de Bahar Kimyongür,
Je veux adresser par la présente
tout mon soutien moral et toute ma sympathie à Bahar,
l'assurer de ma solidarité et
de mon amitié. Je considère
Bahar comme le premier prisonnier politique
d'opinion de la Belgique du XXIème
siècle. Il faut malheureusement
ajouter à cette première
injustice, déjà grave en
soi, qu'il est/a été/sera
encore (?), ainsi que plusieurs de ses
co-accusés, le premier prisonnier
politique d'opinion de la Belgique du
XXIème siècle, victime
de torture durant son incarcération
- Situations dénoncées à plusieurs
reprises par ses avocats et jugées
fondées par plusieurs jugements
prononcés par des tribunaux belges.
- Qu'il est dommage que celui qui
a eu à juger du fond n'ait pas
fait preuve d'autant de probité que
ceux amenés à juger de
la forme.
La Belgique judiciaire connaît
une lente dérivé antidémocratique
que se construit peu à peu à partir
de vrais difficultés de la population
et l'instrumentalisation des peurs qu'elles
suscitent. Combinez à cela l'incapacité des
grands partis dits "démocratiques" à répondre
aux véritables préoccupations
sociales des gens autrement qu'en reprenant
des parties des programmes des partis
d'extrême-droite...
Cela a une chronologie et une histoire
où sont attaquées les unes
après les autres les couches les
plus faibles de la population pour finir
par attaquer directement les droits des
travailleurs.
- Cela a commencé dans la dernière
décennie du XXième siècle
quand le gouvernement n'a trouvé d'autres
réponses que l'enfermement et
l'expulsion manu militari des personnes
privées de papiers présentes
en Belgique. La Belgique ouvrait ainsi
une "nouvelle ère" dans
la conception que ses autorités
se faisaient du respects des droits humains
en estimant justifié de priver
de liberté des personnes ayant
fuit la guerre, les dégradations
environnementales, la misère,
les persécutions, etc. ET N'AYANT
JAMAIS COMMIS NI CRIME NI DELIT, autre
que d'être dépourvu de papiers
(pour autant que l'on puisse considérer
que ce fait mérite plutôt
la privation de liberté que d'en
fournir de nouveaux...)
- "Classes laborieuses, classes
dangereuses" : Ensuite viendront
en vrac l'activation des allocations de
minimex (devenu RIS) par l'instauration
de la conditionnalité de l'accès
au droit (et donc, de facto, l'augmentation
du rôle de "police administrative" du
personnel chargé de son contrôle) ;
l'intervention croissante de la "justice" civile
dans les conflits sociaux, un nombre
toujours croissant de juges faisant droit
aux requêtes unilatérales
des entreprises contre des piquets de
grève (avérés ou
potentiels) et prenant donc des mesures
d'astreintes financières contre
les grévistes ; viendront
en suite : la "chasse aux chômeurs" contraignant
les demandeurs d'emploi en une quête
impossible d'un emploi improbable sous
peine de se voir privé de leur
bien trop maigre revenu ; les différentes
révisions de la loi sur les organisations
criminelles ou les associations de malfaiteurs,
où le législateur essaya
de donner des définitions tellement
larges que tout y entrait, de Greenpeace
ou organisations syndicales, en passant
par ATTAC ou les mouvements pacifistes ;
les régressions successives des
droits des pensionnés, prépensionnés,
travailleurs licenciés, précarisés,
intérimairisés, sous-statufiés… jusqu’aux
jeunes délaissés qu’on
veut maintenant «emmilitariser»…
- "Une même répression
au nord et au sud" : Le néolibéralisme,
forme contemporaine du capitalisme, à nouveau
débridé, multiplie les
souffrances des peuples. La multiplication
de mobilisations sociales à l'occasion
de contre-sommets (e.a. Seattle, Göteborg,
Gènes, Bruxelles, etc.) ou la
naissance des forums sociaux ont montré
que ces souffrances occasionnent des
résistances. Les peuples de l'est
et du sud participent aussi à ses
démonstrations de résistances
par diverses formes : la lutte démocratique
ou armée contre les régimes
qui les oppressent, les créations
de systèmes de solidarité par
le biais d'associations religieuses ou
laïques, l'organisation de groupes
politiques nationaux et internationaux...
Si les formes de résistances s'expriment
de différentes manières,
elles naissent toutes d'une même
oppression.
Chacun selon ses valeurs jugera du bien
fondé ou non de ses moyens de
résistances, mais tous les moyens,
quels qu’ils soient, pacifiques
ou non, civils ou militaires, religieux
ou laïques, politiques ou associatifs,
donneront matière aux tenants
de l'ordre établi pour rédiger,
amender, modifier, codifier, ériger
des législations qui assimileront
chacune de ces formes de résistances à une
catégorie criminelle, maffieuse
ou terroriste... Personnellement, par
exemple, je ne partage pas les modalités
de résistances choisies par le
DHKP-C, mais je partage le fait que le
régime turc, nationaliste et autoritaire
–pour ne pas dire fasciste– requiert
de formes de résistances allant
parfois au-delà de la simple
protestation formelle... Bahar Kimyongür
n'a personnellement rien fait d'autre
que d'être un "témoin" (au
sens de celui qui porte témoignage,
comme dans les écritures) de
cette résistance à l'État
turc et à ses prisons mouroirs.
En tant que "témoin",
il a tenté de "faire
savoir" à d'autres ce qu'il
avait appris. C'est cette volonté de "faire
savoir" que l'État turc et
ses alliés en Belgique, et au
premier chef la Ministre Onkelinx, ont
voulu faire taire en envoyant Bahar
en prison et en le soumettant à un
régime d'exception considéré par
les organisations de défense des
droits de l'homme comme relevant
de la la torture.
Le plus souvent, c'est le puissant qui
dénomme le faible, et on oublie
un peu vite que les nazis dénommaient "terroristes" les
héros d'hier que nous nommons
aujourd’hui "résistants".
Je connais aujourd'hui encore des démêlées
judiciaires suite à l'un des ces
détournements de la loi hors de
ses objectifs officiels. Je suis poursuivi
du chef d'association de malfaiteurs
pour avoir été parmi les
porte-paroles du collectif S22versD14,
organisateur en 2001 de la manifestation
contre le sommet des ministres européens
des finances à Liège. Cette
manifestation a été organisée
lors de réunions publiques, avec
des tracts portant mention d'éditeurs
responsables et de personnes de contact,
a obtenu l'autorisation du bourgmestre,
a eu un parcours et une sécurité interne
organisés en collaboration avec
les responsables de l'ordre, et n'aura
connu ni avant, ni pendant, ni après
le moindre incident... Cela ne m'empêchera
pas de repasser demain 14 février
une deuxième fois devant un tribunal
devant statuer sur le fait si je dois
ou non être poursuivit comme "malfaiteur
associé" pour l'organisation
de cette manifestation.
Je considère que Bahar est victime
d'une même dérive de la
justice, dérive dont les conséquences
sont éminemment plus graves dans
son cas que pour moi actuellement. Mais
il m'apparaît que nos deux affaires
sont deux symptômes identiques
de l'évolution des lois dans ce
pays vers moins de démocratie,
moins de liberté d'expression,
moins de justice sociale...
Liberté pour
Bahar !
Hasta la victoria siempre, compañero
Bahar !
Didier Brissa,
Militant Altermondialiste
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