Plusieurs
dizaines de milliers de personnes
ce sont concentrées le 23/01/2007
à Istambul sous la
bannière :
«Nous sommes tous des Arméniens»
Prison
de Gand, le 20 janvier 2007
Aussi
douloureux qu’il
soit de le dire : cela devait,
hélas !, arriver.
Après avoir été tour à tour
lynché par les médias
du pouvoir en tant que «traître à la
patrie», livré à des
foules galvanisées par le racisme
anti-arménien et le négationnisme
officiel de l’Etat turc, harcelé par
la «justice» turque
pour ces écrits et ce, jusqu'à être
condamné à la prison,
le journaliste arménien Hrant
Dink a finalement été exécuté par
la canaille fasciste à Sisli,
en plein cœur d’Istanbul,
devant la rédaction de son journal «Agos».
En
réalité,
les balles qui ont traversé le
corps de Hrant Dink ont été tirées
sur toutes les voix du progrès,
de la liberté et de la démocratie
en Turquie et dans le monde.
Rongé
par la colère
et meurtri par l’indignation,
je m’incline devant la mémoire
de cet homme courageux et humble et
exprime mes plus sincères condoléances à sa
famille, aux membres de la rédaction
de son journal, à la communauté arménienne
et à tous les démocrates
de Turquie ainsi qu’à mes
amis de l’Association des Arméniens
Démocrates de Belgique.
Dans
un pays où tous
les organes du pouvoir, l’armée,
la police, la classe politique, y compris
la social-démocratie qui siège
dans l’opposition parlementaire,
la presse et même une partie
de monde académique matraquent à longueur
de journée que les Arméniens
qui évoquent leur extermination
de 1915 sont des «menteurs»,
des «manipulateurs»,
des «provocateurs»,
des «malhonnêtes» cherchant à tous
prix à «déstabiliser» la
Turquie, le recours aux forces supplétives
de l’Etat, c’est-à-dire à la
nébuleuse fasciste du MHP, le
Parti d’Action Nationaliste et
ses odieux «Loups Gris» pour
réduire les esprits libres au
silence est plus que légion.
Cette véritable répartition
des tâches relève d’un
mécanisme de répression
bien huilé réglé sur
le mode « europhile » selon
lequel les exactions d’éléments
prétendument incontrôlables
permettent de dédouaner le régime
d’Ankara soucieux d’intégrer l’Union
Européenne.
Comble
de l’ignominie,
les dépositaires civils et militaires
du pouvoir qui ont toujours haї le
journaliste Hrant Dink et ses opinions,
ont condamné énergiquement
son assassinat, non sans exprimer leurs
craintes de voir leur projet européen partir
en fumée. D’ailleurs, à écouter
ces messieurs se lamenter, ils semblent
davantage préoccupés
par «l’image» de
la Turquie à l’étranger
ainsi que par leurs subventions européennes
désormais de plus en plus chimériques,
que par la perte d’un être
aussi précieux que Hrant Dink.
Ils se sont en outre bien gardés
de qualifier ce crime d’attentat
terroriste.
Toute
aussi répugnante
est la criminalisation par l’Europe
et en particulier par la Belgique de
la gauche progressiste et révolutionnaire
turque qui constitue l’une des
rares forces politiques en Turquie
plaidant pour la reconnaissance du
génocide
arménien et pour la fraternité entre
les peuples et ce, par souci de ménager
leurs relations avec Ankara, tandis
que l’extrême droite turque,
qui gangrène la Belgique, bénéficie
d’une impunité totale
voire d’un certain encouragement.
Faut-il
encore une fois rappeler que l’extrême
droite turque possède à son
actif d’innombrables agressions
violentes et autres actes haineux sur
le sol belge, notamment la mise à sac
et l’incendie répétés
d’associations kurdes et assyriennes,
des manifestations négationnistes
anti-arméniennes, de nombreuses
provocations contre les manifestations
organisées par des progressistes
turcs et plus récemment,
des actes de cyberterrorisme à caractère
négationniste visant des sites
officiels belges dont celui de la défense?
Cette terreur-là se nourrit
aussi du discours officiel de l’Etat
turc.
En Turquie, sans une remise en question radicale
du négationnisme anti-arménien à tous
les échelons de l’appareil
d’Etat, sans une reconnaissance
légale des droits fondamentaux
des minorités nationales et
religieuses d’Anatolie, sans
un programme éducatif de masse à caractère
anti-fasciste qui prône le respect
et la fraternité entre les peuples,
d’autres intellectuels et opposants
politiques risquent de subir le même
sort que Hrant Dink.
Il
est plus que temps pour le gouvernement
turc d’avouer à ces
citoyens ce qui est réellement
arrivé à nos frères
arméniens qui peuplaient un
vaste territoire allant des pentes
du Mont Ararat aux chaînes méridionales
du Taurus, de conscientiser et de faire
ressentir l’effroyable, l’insoutenable
gravité de la tragédie
dont ils ont souffert.
Que
ce gouvernement nous dise enfin pourquoi
de leur présence
massive au début du siècle
dernier, il ne subsiste aujourd’hui
plus qu’un seul village, celui
de Vakifli, perché sur les collines
de Samandag aux confins de la province
d’Antioche, et ce qu’il
est advenu des centaines de milliers
d’Arméniens qui embellissaient
l’Anatolie de leurs coutumes,
de leurs églises, de leurs patronymes,
de leurs toponymes, de leurs chansons,
de leur artisanat et de leurs légendes.
Honorer
la mémoire
de son peuple martyre en se battant
pour la vérité, la justice,
la survie de sa culture et la cohabitation,
tel fut le digne combat de notre ami,
de notre frère, de notre camarade
Hrant Dink.
A
tous les ennemis de l’humanité et du peuple
turc qui se réjouissent de sa
mort, je leur dis : Hrant est
désormais un soleil éternel
qui brille dans nos cœurs et
qui baigne les terres fraternelles
d’Anatolie.
Bahar
Kimyongür