Or, quant au Mouvement du 15 mai (Democracia Real Ya), la presse oscille dans ses commentaires (très rares avant le 18) –ce ne sera une surprise pour personne parmi nous–, entre simple contestation électorale visant le «maintien du pouvoir d’achat» et noyautage du mouvement par des forces subversives, allant du parti Izquierda Unida à… l’ETA (cf. Le Monde du samedi 21 mai – Les partis politiques espagnols déroutés par la fronde sociale).
Il est d’autres caractéristiques remarquables de ce mouvement qui ne font l’objet que de peu de relais médiatiques honnêtes, encore moins enthousiastes. Premièrement, son caractère désormais international: un «relent de jasmin» a été ressenti dans plusieurs villes italiennes, françaises, portugaises, britanniques…
Pour ceux qui n’avaient pu être attentifs à ces développements, le web abonde de sources évidemment plus ou moins fiables. J’ai moi-même été interpellé d’une manière similaire à celle qui interpella l’auteur de cette contribution, parue dans le nouvel obs et qui aura le mérite de poser quelques jalons dans vos recherches d’information si nécessaires: http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1204;spanish-revolution-premices-d-un-printemps-europeen.html
Ou ici: http://www.humanite.fr/19_05_2011-le-printemps-espagnol-cherche-à-sétendre-472519.
Les blogs des différents mouvements abondent, fournissant infos pratiques, relais, mots d’ordre, c’est une deuxième caractéristique du mouvement. Facebook, pour ceux d’entre vous qui ont des contacts en Espagne, rugit. Mais voilà, il sera difficile de réduire le rugissement à une simple internauterie. Les manifestants poursuivent leur expérience militante bien réelle, en dépit des multiples tentatives de délictualisation, voire de criminalisation par les autorités (voir plus haut) de la seule et simple présence citoyenne, «indignée mais organisée», qui réunit «(…) sans leaders apparents, une multitude de micro-organisations et des milliers de citoyens indépendants autour de revendications multiples (…) contre la collusion entre pouvoirs politiques et économiques, pour le droit à un logement digne, (…) et la volonté de rendre le système démocratique plus transparent et plus participatif» (cf. Le monde du samedi 21 mai).
Pour l’heure, la visite de http://www.democraciarealya-bruselas.blogspot.com/ pour Bruxelles, et http://www.democraciarealya-lieja.blogspot.com/ pour Liège permettra à chacun de prendre contact avec le mouvement naissant en Belgique.
Pour résumer en quelques lignes, le vendredi dernier (20/05/2011) un rassemblement de près de 350 personnes devant l’ambassade d’Espagne à Bruxelles a pu donner naissance à un mode d’organisation autogéré, et c’est une troisième caractéristique, fondée sur les principes de démocratie directe et réaffirmant les mots d’ordre du 15 mai (15M).
Ce sont essentiellement des étudiants Erasmus, des expatriés espagnols récents ou de plus longue date. Pour certains, dont les trajectoires croisent les heures sombres du franquisme, la tentation a été grande de sortir les drapeaux républicains. Pourtant, ils se sont abstenus. Et c’est une dernière caractéristique à souligner: la réticence, la résistance à la «récupérabilité» politique du mouvement. Ou pour le dire autrement, le souhait, l’espoir de laisser libre le peuple d’Espagne –d’Europe ?– d’investir son mouvement comme il l’entend. «Democracia real ya!»
Ceux qui poursuivent le mouvement de la Puerta del sol prouvent bien que les résultats d’élections n’importent plus, ne font plus sens. Que le présent médiatique soit animé par du DSK, par des politiques de droite assumées par des gouvernements de gauche, ou plus joliment par l’absence pure et simple de gouvernement fédéral, il ne fait guère de doute que l’avenir des peuples européens devra composer avec deux réalités: des forces réactionnaires partout revigorées, et une conscience collective aiguë d’une crise de légitimité politique patente.
Ici, seul le site de la LCR relaie à ma connaissance au plus proche du déroulement des mobilisations de Belgique: «Quant aux actions, proposition été faite de mobiliser largement ce samedi 28 mai Place d’Espagne à Bruxelles afin de rebaptiser cette dernière en place de la «Spanish Revolution». Il est clair également que le 15 juin sera une date importante, avec la volonté d’organiser en Belgique aussi une importante mobilisation le même jour qu’en Espagne pour marquer le premier mois d’existence de ce Mouvement du 15 Mai.» (voir http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?view=article&id=2091:l-democracia-real-ya-r-en-belgique-actions-a-bruxelles-et-a-liege-ce-week-end&option=com_content&Itemid=53).
Un comité d’organisation se réunira ce mardi 23 mai, à 19h00, tel qu’indiqué dans l’appel que vous trouverez ici : http://democraciarealya-bruselas.blogspot.com/search/label/Convocatorias.
Ce message vous est adressé tard. Est-il jamais trop tard? Le mouvement a besoin d’idées, de traductions, de réseau, de sympathisants, de camarades, de solidarité. Le mouvement a besoin du CLEA, pour son expérience locale de la criminalisation des idées et des mouvements sociaux. Pour faire vivre cette esquisse de mobilisation européenne, la développer et l’investir du meilleur. Pour le droit à une information juste, à une expression libre, qui permette aux peuples d’échanger sans intermédiaires, d’embrayer sur les luttes et les sacrifices arabes et, plus humblement, de faire écho à ces manifestants de Bruxelles qui, le vendredi 20 dernier, entonnaient devant le Berlaymont: «Aquí estamos ; los Belgas nos sumamos!» («Nous voici, les Belges nous joignons aussi»).
23/05/2011
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